Contrat

Quelles conséquences en cas d’inexécution d’une promesse de porte-fort et comment anticiper les litiges ?

Quelles conséquences en cas d’inexécution d’une promesse de porte-fort et comment anticiper les litiges ? 1170 658 Maître Isabelle Wien Avocate en droit immobilier paris

Un jugement rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 7 mars 2018 réaffirme les sanctions applicables en cas d’inexécution d’une promesse de porte-fort.

1) Définition :

Une promesse de porte-fort est un contrat liant trois personnes :

  • un promettant (ou porte-fort)
  • un bénéficiaire
  • un tiers.

Le premier s’engage ainsi auprès du second à ce que le troisième ratifie ou exécute un engagement spécifié dans ledit contrat.

On distingue deux types de contrat de porte-fort :

  • le porte-fort de ratification où le promettant s’engage à ce que le tiers ratifie la convention. Par exemple, dans le cadre d’un bien en indivision, l’un des Co indivisaires peut s’engager, par une promesse de porte-fort, à ce qu’un acte de vente soit ratifié ultérieurement par les autres Co indivisaires;
  • le porte-fort d’exécution par lequel le promettant s’engage à ce que le tiers exécute un engagement déterminé. Contrairement au premier cas, le tiers est donc tenu par une obligation, la promesse de porte-fort constituant une garantie d’exécution avec engagement de la responsabilité du promettant en cas d’inexécution.

2) Sanctions en cas de non-exécution d’une promesse de porte-fort

La jurisprudence considère que l’obligation du porte-fort est en principe de résultat.

La faute n’est pas à prouver pour obtenir des dommages et intérêts.

Les faits :

En 2003, une entreprise (le porte-fort) et l’un de ses anciens salariés (le bénéficiaire) ont conclu un accord transactionnel afin de régler un litige. Cet accord comprenait le versement d’une somme d’argent ainsi qu’une promesse de porte-fort par laquelle le groupe auquel appartenait la société promettante s’engageait à reprendre des relations contractuelles avec l’ancien salarié qui exerçait alors à titre libéral et indépendant.

Or, entre 2003 et 2010, aucune société du groupe n’a proposé de missions au bénéficiaire. Ce dernier a alors assigné la société porte-fort en résolution de la transaction et en paiement de dommages et intérêts. La procédure a conduit à un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux le 7 mai 2015 prononçant la condamnation de ladite société au versement de dommages et intérêts ainsi qu’à la résolution de la transaction du 18 juillet 2013, c’est-à-dire à sa résiliation.

Mais, l’arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 2018 a cassé et annulé partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux aux motifs que cette dernière a violé l’article 1204 et l’article 1225 du Code civil (articles 1184 et 1120 avant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations). Ces articles stipulent :

  • le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts.
  • la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

Ainsi, si le versement de dommages et intérêts n’est pas remis en cause, la Cour de cassation a cependant estimé qu’en l’absence de clause résolutoire manifeste, la résolution de la promesse de porte-fort ne pouvait être prononcée.

Conclusions

L’inexécution d’une promesse de porte-fort par le tiers n’est sanctionnée que par la condamnation du promettant à verser des dommages et intérêts au bénéficiaire (à condition qu’un préjudice soit reconnu pour ce dernier). Le calcul des dommages et intérêts doit compenser la perte subie et le manque à gagner. Dans notre cas, la Cour de cassation a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Toulouse pour statuer sur ce point.

Pour anticiper les situations conflictuelles en cas de non-exécution d’une promesse de porte-fort, trois options peuvent être envisagées :

  • la fixation forfaitaire et préalable d’un montant des dommages et intérêts dus par le porte-fort en stipulant une clause pénale
  • l’introduction d’une clause limitative de réparation due par le porte-fort, sous réserve des limites traditionnelles tirées du dol et de la faute lourde
  • l’entente des parties sur une clause résolutoire

En revanche, il n’est pas certain qu’une clause d’exonération de responsabilité puisse être reconnue au regard de l’article 1170 du Code civil qui précise que « toute clause qui prive de substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».